ou comment j’ai failli être interviewé...
Si j’avais fait l’interview à France 3 samedi 21 mars dernier au café de l’Agriculture à Bernay, voici ce que j’avais, à peu près, prévu de dire :
ce qui m’intéresse avant tout ici, c’est d’essayer de comprendre ce qui se joue quand vous interviewez tous ces gens, dont moi. Des notables pour la plupart. Nous mettons en avant ce que nous faisons, nous sommes contents, optimistes, fiers, et nous donnons une image de ce qui se passe à Bernay conforme à notre situation sous les feux des projecteurs.
Finalement les médias, c’est, tantôt, la béatitude face au monde parfait dans lequel nous vivons, tantôt, les faits divers sordides. Et toujours nous passons à côté de la vraie démocratie : celle où les gens s’impliquent durablement. Cette critique est explicitée longuement par Pierre Bourdieu dans son petit ouvrage : « Sur la télévision ».
Pour continuer le fil ma pensée je vais prendre la parabole de l’autoroute. Vous connaissez sûrement cette phase attribuée au Bouddha : « le chemin est le but ».
Quand vous êtes sur l’autoroute, vous passez à côté de tout, des villages, des campagnes, de la vie. Sans les campagnes, les villes sont mortes. De faim. Et arrivé à bon port, vous faites ce que vous avez à faire, vite fait, puis vous repartez chez vous, éventuellement pour vous mettre devant la télé. Et la télé, c’est un peu l’autoroute de l’information. Votre vie n’a pas de but car vous n’avez pas de chemin où vous pourriez rencontrer autre chose que des notables heureux ou des cadavres trouvés dans Détective ou au JT.
Hé bien le café philo, c’est parfois (pas toujours je vous l’accorde) l’occasion de quitter cette autoroute de l’information pour aller flirter avec d’autres regards, l’occasion de « faire un pas de côté » comme disait l’expression de mai 68. Et dans une ambiance conviviale, chaleureuse.
Je ne suis pas passé à la télé : je ne le regrette pas. D’abord parce que j’aurais été probablement plus mordant, plus agressif dans mes propos et ça se serait retourné contre moi. J’avais entre autres, en tête, l’expression « mascarade » pour qualifier ce qui se joue derrière cette mise en scène médiatique… Pas bon !
Et puis, surtout, parce que le lendemain sortait le numéro 5 du bimensuel Le Sarkophage dans lequel en page 8 se trouve un article intitulé : « Le cirque médiatique ». Et là, le bonheur. Le texte est écrit, non pas par l’animateur du café débat de Bernay, mais par l’auteur d’un petit ouvrage qui a fait succès : « Le petit bourgeois gentilhomme ».
En kiosque jusqu’au 16 mai. Et dans l’encart central, un autre texte, sublime, de Jean-Claude Besson-Girard, qui porte sur… mai 68.
29 mars 2008