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18 avril 1995 2 18 /04 /avril /1995 20:41

24 avril 2010 : cet article sur l'Économie Sociale et Solidaire peut apparaître soit technique, soit caricatural (soit les deux) mais il faut ici le remettre dans son contexte pour en relever toute son importance.

Le champ de l'Économie Sociale et Solidaire me semble incontournable pour mettre en oeuvre tout ce qui est pointé du doigt sur ce blog : nous n'y parviendrons pas en se contentant d'attendre que les changements viennent de la seule initiative individuelle.

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L'ESS - Économie Sociale et Solidaire - concerne le champ de l’économie relevant de l’autogestion, sur le principe de décisions collectives « une personne, une voix ». Ses principales formes juridiques sont les SCOP  ( http://www.scop.coop ) pour les activités de production ou les SCIC ( http://www.scic.coop ) pour les services.

Les différences entre les entreprises classiques, dirigées par un chef d'entreprise, et les entreprises relevant de l'ESS sont multiples et, souvent, inattendues.

La première est le passage d'une logique de recherche d'emploi à une logique de création d'activité économique.

 

3295599274_28b0c9bc71.jpg                                                                    oseille

 

L'emploi dépend des employeurs, qui sont souvent dans une logique :
- de rentabilité maximale,
- de versement des bénéfices de l'entreprise au profit des actionnaires au détriment des salariés,
- de délocalisation,
- d'automatisation des processus de fabrication au détriment du savoir-faire artisanal qui tend à disparaître,
- de sacrifice de quelques-uns en cas de difficulté,
- de décisions pyramidales...
 
Toutes considérations qui ne sont pas celles du champ de l'ESS :
- rentabilité équilibrée et viable,
- actionnaires-salariés, (les revenus peuvent être versés sous forme d’avance sur les intérêts du capital comme cela se fait à Mondragon)
- relocalisation des activités économiques,
- préférence pour des processus de fabrication artisanale qui en font la fierté de l’artisan et qui donnent du sens à sa vie professionnelle,
- partage équitable des risques,
- décisions concertées...


La place de l’ESS dans les problématiques de lutte contre le décrochage scolaire ou contre l’illettrisme peut surprendre mais l’hypothèse présentée ici vaut sans doute la peine d’être étudiée.

Tentons de nous mettre à la place du jeune en échec scolaire : déjà  en situation d’échec par rapport aux enseignants et à cette relation prof-élèves qu’il peut légitimement vivre comme une situation « dominant-dominé », le jeune en tant que futur employé sur le marché du travail peut se sentir tel un produit qui sera mis, en cas de réussite, à disposition de son futur employeur. Employeur qu’il ne connaît pas mais qui sera son nouveau « dominant ».

Il est incité à entrer dans un système où il sera une fois de plus dominé, et où les possibilités de devenir dominant un jour sont très faibles, d’autant plus qu’il est en échec scolaire.

Comment se comportera-t-il si on lui propose un autre scénario, où le pouvoir est partagé, celui de l’autogestion et de l’ESS ?

Mais les résistances ne viennent pas forcément de celui qu'on croit : le jeune en échec. Ma récente expérience en la matière m'a montré que les résistances viennent des représentants institutionnels. Ils ne connaissent pas forcément l’ESS, d’autant plus qu’en France elle est très peu présente au nord de la Loire. La curiosité pourrait être de mise : elle n’est hélas pas forcément au rendez-vous. D’ailleurs, comme cela a été écrit dans un compte-rendu de séance sur la lutte contre le décrochage scolaire, même si « l’économie solidaire peut être un bon complément pour l’intégration des jeunes en rupture sociale (…), les SCOP ne sont pas connues ni toujours lisibles et elles ont aussi besoin de rentabilité. »

« Intégration » : à quel système économique ? L’économie libérale ou l’ESS ?

« Rentabilité » : financière ? Mais de quel point de vue ? Celui de l’économie libérale ou celui de l’ESS ? Et si les SCOP représentaient une occasion de donner plus de sens à notre existence ? Sens humain, sens écologique, sens économique, même si la rentabilité des SCOP n’est, peut-être, pas compatible avec un niveau de vie à l’occidentale.


Revenons à ce qui se passe dans la tête du jeune en échec. Cette notion selon laquelle je peux être maître de ma vie et de mon travail, ainsi que de mes relations d’égal à égal avec mes collègues, je pense ici d’abord à mon (futur) travail d’artisan (Face au monstre mécanique -
Une histoire des résistances à la technique, François Jarrige, 2009, éditions Imho), est-elle si étrangère que cela à l’enseignement de base auquel j’accepte ou non d’accéder ? Et si, à l’inverse de cette sensation de pion aux mains des employeurs, cette autre sensation de maîtrise de mon existence était la base, justement, de l’enseignement de base auquel je peux adhérer, celui à partir de quoi les projets les plus passionnants peuvent naître ?

Au-delà de ces réflexions, on peut se demander aussi dans quelle mesure l’ESS fait peur aux institutionnels.

Cette peur peut être justifiée dans la mesure où l’ESS semble s’opposer au patronat, et que le patronat assure des financements et des reconnaissances tous azimuts, Conseil Régional et Missions Locales y compris, en termes de débouchés, en termes de réseaux d’embauche.

 

2957428101_a9047b5dac.jpg                                                                       cynorhodon

 

Reste à savoir si cette opposition est si réelle que cela : à imaginer un développement massif de l’ESS, les patrons ne se retrouveraient pas à la rue mais seraient intégrés dans cette nouvelle économie.

Et reste à savoir, du coup, si cette peur évoquée plus haut, qu’elle soit latente, intériorisée, ou au contraire manifeste, entretenue par des pressions venant du patronat, est légitime. Au vu de ce qui vient d’être dit, dans la mesure où l’ESS laisse une place pour tous et ne se situe pas dans une logique revancharde, on peut émettre l’hypothèse que les réticences à l’égard de l’ESS n’ont pas lieu d’être, ouvrant ainsi la place pour une attitude de curiosité.


25 mars 2010.

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