J'ai déjà écrit, sur ce blog que, dès 1972, la fin de la croissance mondiale avait été estimée par le fameux rapport Meadows à 2015 ! Et que 2013-2015, c'est précisément l'échéance, annoncée l'été dernier par l'ancien directeur de la prospection de chez Exxon, d'une décrue de la production mondiale de pétrole, à raison de 5 à 7% l'an.
Mais Christian Araud, qui dévoile à mes yeux ces révélations sur le rapport Meadows, va plus loin dans son ouvrage La décroissance ou le chaos : s'il explique en page 69 comment les auteurs de ce rapport estimaient que la croissance allait arriver à bout de souffle au début du XXIe siècle, il ajoute que, toujours selon le rapport Meadows, "L'inversion de tendance se produirait vers 2015, soit dans un avenir lointain (presque 45 ans) et la situation vraiment catastrophique ne deviendrait évidente aux yeux de tous que 15 à 25 ans après."
Ce qui veut dire ceci : dans les 15 à 25 ans qui s'annoncent, et dès aujourd'hui, nous, occidentaux, serons confrontés à l'alternative suivante :
persister dans notre attitude actuelle, faire "comme si de rien n'était", en espérant rester le plus longtemps possible sur le haut de la vague, ignorant les dégâts causés sous nos pieds, continuer à faire l'autruche, à considérer comme une fatalité que l'homme est un loup pour l'homme, c'est pratique lorsqu'on est dominant !
Ou bien anticiper l'avenir autrement, considérer cette période d'abandon du pétrole comme une opportunité pour inventer un monde nouveau dans lequel chacun a sa place, prendre nos responsabilités d'être humain digne et non pas soumis aux lois du marché qui se casse la gueule, considérer que lorsqu'on s'y prend autrement , "Oui, la nature humaine est bonne" ou peut l'être (il reste encore un exemplaire de cet ouvrage à la librairie l'Orielle à Evreux).
Cette seconde option consiste à créer une concertation locale là où nous habitons en se disant : bon, et maintenant, comment nous organisons-nous au mieux vu que la récession frappe à nos portes ? Que pouvons-nous faire sans attendre pour produire localement de la nourriture en abondance ? Quelles sont nos ressources locales pour développer une production potagère permacole autour d'Evreux et dans l'Eure, comme ailleurs ? Comment organisons-nous une telle concertation, sans rester les bras ballants regarder ce monde s'effondrer ?
Cette seconde alternative échappe au passéisme qui consiste à croire que tout va pouvoir continuer comme avant, que le système, tel qu'il est, est pérenne, et que nos élites se chargent de tout et sont capables de tout prévoir : aujourd'hui il n'en est rien. Voir La résilience par en-dessous.
2100 connaîtra certainement un réchauffement de 4 à 6 degrés, alors qu'en 2003 dans Mal de terre, Hubert Reeves citait le GIEC annonçant que 1,4° en plus était la limite à ne pas dépasser ! A plus court terme les offres d'emplois disparaissent, les crédits de fonctionnement des services publics fondent comme glace au soleil, les signes d'accélération de la récession s'accumulent pour qui veut bien ne pas rester aveuglé par la vision optimiste et schizophrène des médias, version "tout va bien messieurs dames, le système occidental est le meilleur qui soit, et si quelque chose n'allait pas bien cela ne peut venir que de déviances individuelles, de sujets non intégrés, ouvrons les prisons, lâchons les CRS". La seule façon de ne pas croire à cette doxa n'est pas de crier au loup mais de se prendre en charge localement, partout à la fois, dans la lignée de plusieurs mouvements convergents et responsabilisants : les incroyables comestibles, les jardins partagés, les territoires en transition, les écovillages, le mouvement des colibris et j'en passe.
Pierre-Emmanuel Neurohr explique dans La Décroissance de décembre-janvier comment les rizières du Viêtnam vont bientôt être submergées par la montée des océans, conséquence de nos modes de vie occidentaux. Continuerons-nous cette collaboration destructrice jusqu'à la dernière goutte de pétrole ou arrêterons-nous nos conneries, s'il en est encore temps, en changeant nos modes de vie par une concertation locale et une mise en pratique du "Manuel de transition" (disponible à la médiathèque d'Evreux) ?
Il est temps que notre culture cinématographique du héros, logée dans la case "culture virtuelle" de notre cerveau, se transforme en héros collectif dans le monde réel.