À force de constater que les technologies de remplacement du pétrole ne sont pas au rendez-vous de l’après pétrole [(1) E. Broto 25 lignes plus bas], j’en arrive à penser que cette attente est irresponsable et collectivement suicidaire au regard du réchauffement climatique provoqué par le tout pétrole.
En d’autres termes j'ai acquis la conviction selon laquelle nous devons quitter le pétrole dès aujourd’hui, individuellement et surtout collectivement, avec ou sans solution de substitution : donc pour l'heure sans solution de substitution.
Si les technologies tant attendues arrivent, tant mieux. Mais en les attendant, cessons de jouer à pile ou face avec notre avenir : l’arrêt de tout recours aux énergies fossiles et émettrices de gaz à effet de serre, sans attendre leur épuisement, est un moyen sûr de sauver notre monde.
Bon d’accord, ce n’est pas facile à concevoir. C’est même très difficile. Quoique… Mais entre jouer à pile ou face avec l’avenir de l’humanité – et chacun voit que la pièce retombe déjà du mauvais côté -, et s’engager sur une voie qui permet assurément de « sauver le monde », y a-t-il vraiment matière à hésiter ?
Pour les solutions individuelles et collectives au sens communautaire du terme, voir le site :
http://www.passerelleco.info/
ainsi que la revue papier, et plus particulièrement pour l'échelle communautaire :
http://www.passerelleco.info/rubrique.php?id_rubrique=31 .
Cependant je suis convaincu que l'urgence appelle les collectivités territoriales à accélérer volontairement et à anticiper collectivement l'après pétrole.
24 juin 2008.
Et si vous croyez aux technologies de remplacement, jetez donc un œil, par exemple, sur ce lien trouvé le 16 juillet 2008 sur terre sacrée :
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2008/07/16/002-biocarburant-ocde-rapport.shtml
(1) 17 juillet 2008 « Même avec un doublement de la production énergétique à partir des énergies renouvelables entre 2006 et 2030, on atteindrait que 12% de l’énergie primaire totale consommée. Les ordres de grandeur entre les énergies fossiles et renouvelables semblent indépassables. Les énergies renouvelables seront utiles localement à ceux qui en auront, mais elles ne remplaceront jamais les énergies fossiles. » Emmanuel Broto, La Décroissance n° 51, juillet-août 2008, page 3.
Il prône « une relocalisation économique doublée d’un exode urbain vers des campagnes revitalisées », ainsi qu’un « processus de désindustrialisation du pays permettant du même coup d’amoindrir la concentration du capital et donc la stratification sociale. Enfin, une refonte du droit de propriété, notamment des terres arables, paraît inévitable pour que l’intérêt de la collectivité prime toujours sur l’intérêt privé. »
3 mars 2009 : voir aussi L’abrutissoir et mesure du réchauffement, 20 – 23 fév. 09
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source icônographique : http://photos.linternaute.com/paysville/183062/194598/4727746845/favela/
Sao Paulo, 11 millions d’habitants. L’affichage publicitaire a été enlevé sur décision municipale. Son maire s’explique :
« La loi ‘‘ville propre’’ est née de la nécessité de combattre la pollution. Pollution de l’eau, de l’air, de l’environnement sonore, et pollution visuelle. Nous avons décidé d’aborder ce combat en commençant par l’aspect le plus évident : la pollution visuelle. »
La Décroissance, octobre 2007.
6 novembre 2009 : le même journal relate en page 10 la même suppression de l'affichage publicitaire à Forcalquier, France ; maire socialiste. En kiosque jusqu'au 1er décembre.
2012. Bernay, 12 000 habitants.
Depuis 4 ans a eu lieu une grande campagne sur le thème : « La télé c’est la mort ».
Également, grande campagne sur le temps partiel choisi : la ville a dépassé de 10 points la moyenne nationale. Le temps partiel permet aussi un gain éducatif auprès de ses enfants, avec un bénéfice sans commune mesure au niveau des répercussions sociales et donc, aussi, économiques.
Aujourd’hui le chômage avoisine le zéro %.
La ville et ses environs atteint 85% d’autonomie alimentaire. Des jardins collectifs, en agriculture biologique, ont essaimé partout. Les protéines végétales locales ont grignoté une bonne part de marché sur la viande.
Presque deux hectares sont consacrés à la culture de la chicorée, avec une petite entreprise sociale et solidaire qui la transforme en produit soluble, et une campagne soutenue par la ville et le Conseil Général « la chicorée locale, c’est mieux que le café du bout du monde » a porté ses fruits.
C’était « se nourrir ».
Une filature de lin a poussé aux alentours de Bernay : désormais le lin ne transitera plus obligatoirement par la Belgique, le Portugal ou la Chine avant d’être cousu et revendu en France.
Cette filature, comme dans beaucoup d’autres secteurs économiques autour de Bernay, est gérée en SCOP : un homme, une voix.
Un chantier « laine serrée » a vu le jour. Lin et laine constituent à nouveau l’essentiel du secteur du vêtement.
C’était « se vêtir ».
Les maisons en paille ont pris leur place dans le bâtiment. Matériaux quasi gratuit, rapide à monter.
Et des maisons à énergie positive avec récupérateurs et potabilisation d’eau de pluie.
Le centre de loisirs et la MJC de Bernay ont mis en place un atelier de fabrication de paraboles solaires de 3 mètres de diamètre, débouchant sur l’installation de 5 moteurs stirling par semaine : électricité gratuite dès qu’il y a du soleil. Ce sont les particuliers qui prennent contact avec l’une des structures pour commander un moteur et pour participer à l’atelier de fabrication de la parabole.
C’était « se loger ».
ABBAYE DE FONTFROIDE
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Retour à aujourd'hui.
Pourquoi faire, tout ça ?
Parce que le présupposé implicite selon lequel la mise en place du développement durable, dans ce qu’il comprend la plupart du temps, suffirait à nous sortir de la spirale infernale du réchauffement climatique est loin d’être valide.
Parce que cette conception majoritaire du développement durable ne remet pas en question notre société du tout bagnole, ni de la surconsommation, ni de l’industrialisation, ni des transports démesurés de nos produits de consommation, en bref elle ne remet aucunement en cause notre mode de vie.
« Depuis 1999, le mot ‘‘greenwash’’, qui signifie ‘‘mascarade verte’’, a fait son entrée au Concise Oxford Dictionary : ‘‘ Mascarade verte : opération de relations publiques menée par une entreprise pollueuse pour masquer ses activités polluantes et pour présenter l’image d’une organisation respectueuse de l’environnement’’ ». Cité par Paul Ariès, « Pour repolitiser l’écologie – contre-grenelle de l’environnement », octobre 2007, page 14.
En page 7 du même ouvrage, Paul Ariès y exlique "qu'on ne pourra en finir avec la 'domination de tous sur la planète' sans remettre en cause 'la domination de quelques-uns sur tous les autres". Ce qui passe par une remise en cause du discours médiatique dominant qui véhicule une idéologie de croissance économique, avec son corollaire de croissance des inégalités économiques, et une remise en cause du moteur de cette machine : la publicité. Voir Sao Paulo.
Parce que les négationnistes des causes humaines dans le réchauffement climatique tirent leur position d’une conviction profondément conservatrice selon laquelle nous vivons dans un monde potentiellement idéal, pour peu que chacun joue le jeu. Et pour eux le système n'a donc pas à être critiqué ou remis en cause. Voir Conservateur ou révolutionnaire ? sur ce blog.
Je suis enclin à penser que la puissance d'une telle conviction conservatrice peut nous pousser, y compris si nous sommes scientifique, à chercher, et trouver, des arguments qui nient la responsabilité humaine dans le réchauffement climatique tellement cette responsabilité nous conduit à cette seule conclusion : le mode de vie occidental contemporain est loin d'être idéal et il faut d'urgence le remettre en question.
Parce que l'attente de solutions technologiques propres qui vont nous sortir du tout pétrole procède d'une passivité collective suicidaire : pendant cette attente, nos émissions de CO² augmentent, le permafrost fond, libérant ses immenses réserves de méthane au pouvoir d'effet de serre 25 à 90 fois supérieur à celui du CO², le prix de baril de pétrole explose jusqu'à annoncer une faillite inéluctable des secteurs économiques reposant sur le pétrole, autant dire un krach économique mondial.
Et cette attente risque fort d’être suivie d’une grande désillusion : les énergies renouvelables sont aussi des énergies douces, incomparablement moins puissantes que les énergies fossiles.
Quant aux énergies reposant sur la biomasse, l’équation reste toujours la même : c’est manger ou rouler, et c’est l’effroyable spectre déjà commencé (l’éthanol au Brésil par exemple) d’un nouveau colonialisme qui affamerait le tiers-monde pour maintenir le niveau de vie et le mode de vie des pays développés.
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Dans le même ouvrage cité plus haut « Pour repolitiser l’écologie », Sophie Divry écrit, pages 22 et 25 : « Les éco-Tartuffes (Nicolas Hulot, Yann Arthus-Bertrand…) (…) pensent proposer des mesures importantes, mais elles ne remettent pas en cause les intérêts des plus grands pollueurs de la planète. (…) Nous sommes ici pour dire que ni Liliane Bétancourt, héritière de L’Oréal et première fortune de France, ni François Pinault ne peuvent faire de l’écologie. Ni le lobby nucléaire, ni le premier publicitaire du pays, ni les grandes surfaces ».
Déjà en septembre 2007 dans La Décroissance elle avait lumineusement expliqué : « les médias sont financés par la publicité et les groupes capitalistes. Ceux-ci soutiennent une idéologie qui rend bien sûr impossible la conclusion qui s’impose : poursuivre la croissance est un suicide. »
« La décennie à venir sera cruciale pour stabiliser le climat » titrait Le Monde le 22 mars 2008. Ben on n’est pas sortis de l’auberge !