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4 juin 2011 6 04 /06 /juin /2011 04:53

 

Ce texte a été écrit le 26 mai 2011 lors d'un atelier d'écriture mis en place par Geneviève Moncey au Centre Sportif Normand d'Houlgate. "Je me souviens..." Qu'elle en soit remerciée ici, ainsi que Georges Perec et Philippe Delerme dont les oeuvres lui ont servi de support.

 

 

 

D'abord il y avait le bruit du marteau sur l'enclume. TING,TING,TING, ting ting ting tin' ti t t..... TING,TING,TING, ting ting ting tin' ti t t..... par saccades de trois ou quatre coups puis quelques rebonds decrescendo.
On les entendait depuis le trottoir.

Puis on entrait par ce grand portail dans cet immense hangar rempli de machines puissantes mais sans électricité, sauf peut-être les quelques ampoules au plafond.

La presse à vis était la plus impressionnante : comme un grand tire-bouchon vertical autour duquel deux grosses boules de fonte fixées sur un axe métallique horizontal étaient remontées lentement, à la main, jusqu'en haut, puis la descente s'amorçait, bénéficiant de la pesanteur, du poids des lests, de l'inertie de leur rotation et de l'accélération donnée par l'homme. A la fin, rien ne résistait à l'écrasement ou au sectionnement de l'objet placé là. Incroyable que la machine elle-même ait pu résister sans faillir, des années durant, à une telle force !

 

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L'odeur nous emplissait les narines : une odeur de soudure, de particules microscopiques de métal qui flottaient dans l'air, et bien sûr l'odeur de la forge, du feu, du fer forgé incandescent.

Et puis se mêlaient aussi l'odeur des chevaux et de leurs crottins. Et celle du fer rouge sur leurs sabots travaillés.*

Il y avait aussi l'effort des hommes. La sueur des hommes. Ces heures passées là, interminables, dans cette ambiance sonore, odorante, si plaisante pour moi, mais pour eux ?!

Comment pouvaient-ils SUPPORTER cela chaque jour ? Je crois comprendre aujourd'hui : ils étaient FIERS de ce qu'ils fabriquaient. Ils aimaient le métier. Leur vie était un art. Leur vie, c'était cet art, ces rampes d'escalier qu'ils allaient déposer chez l'habitant après des semaines de travail en atelier. Ces lampes en fer forgé, incroyables dans leurs formes et leurs secrets de fabrication.

Ils étaient heureux aussi du contact avec les bêtes, ces chevaux si puissants dont les maîtres étaient parfois si cons. Et mon grand-père si fier de raconter comment il fallait parler aux chevaux pour que même les plus craintifs, les plus dangereux, les plus maltraités parviennent à s'amadouer.

 

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Il y avait la ventilation à soufflet et à action manuelle pour attiser la forge. Et ce bac d'eau froide pour évaluer le travail du fer rouge qu'il fallait refroidir pour faire le point et mieux y voir. Le fer rouge était trempé dans l'eau froide, fréquemment, et le bac d'eau fumait de vapeur sonore et odorante.

Il y avait l'absence de femmes dans la forge. Un métier d'homme seulement.

Et puis un jour Tonton Georges a pris sa retraite, il a fermé la forge, ses deux ouvriers ont trouvé un autre boulot ailleurs, peut-être bien plus répétitif, plus industriel : moins artistique.

 


 

* sur le travail de maréchal ferrant on peut voir l'excellent film "Biquefarre - Farrebique". Disponible à la médiathèque d'Evreux.

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commentaires

L
Voilà un texte, une histoire du temps passé qui me rempli de joie et d'une tendre émotion,tellement bien raconté qu'à un moment je tirai sur la chaine noire qui actionné le l'énorme soufflet de<br /> bois et de cuir avec cette odeur qui me reviens aux narines, quel bonheur! merci de me l'avoir fais partager.<br /> <br /> Cordialement lilas.
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D
<br /> salut, simplement te dire que mon adresse mail c'est depuis longtemps: thierry.de.pontcharra@gmail.com et non pas "parvati21" que j'ai changé en inde. J'ai reçu ton message "énervé" sur le problème<br /> nucléaire. J'ai beaucoup de choses à dire sur cette sortie du nucléaire. Je suis en train de faire un super programme concernant cette "sortie du nucléaire" que je remettrais à Melenchon et non pas<br /> aux gens d'europe écologie . Merçi thierry<br /> <br /> <br />
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