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19 novembre 2012 1 19 /11 /novembre /2012 17:35

 

Nous sommes partis à 4 en voiture, à 6 heures depuis Evreux.


En route aux infos nous apprenons que le départ de la manif est prévu à 10h, alors que partout c'était 11h mais peu importe. « Plusieurs milliers de personnes » entendons-nous dire dans le poste.

Peu avant 11h je dis au chauffeur : « il te reste trois minutes pour arriver, André ! »

Et là, à la sortie d'Héric sur la N137, à 6,4 km au Nord-Est de Notre-Dame-Des-Landes - NDDL, embouteillage. Du sur place.

Dès que possible nous quittons le flot des voitures pour prendre sur notre droite, par le nord. Après avoir traversé la D 16 nous arrivons bientôt à un croisement : bloqué par un tracteur et des personnels en gilets jaunes. Tout droit : NDDL à 3 km mais c'est barré. Sur notre gauche : un flot de voitures à l'arrêt sur toute la portion visible de la route, 500 mètres peut-être. Là d'où nous aurions dû venir si nous n'avions pas pris les chemins de traverse. Et sur notre droite : la file de voitures qui continue son chemin, au pas, à la recherche d'un parkng improbable.

Nous prenons à gauche, à contre-courant de l'embouteillage, direction Héric. À 300 mêtres André s'arrête : dans un herbage sur notre droite, une voiture. Nous sommes les deuxièmes à nous y garer.



Il est 11 heures passées, nous avons 3 km à pieds pour rejoindre NDDL, point de départ du cortège, mais nous sommes déjà dans le cortège des retardataires.

Au croisement situé à 3 km de NDDL, longue ligne droite devant nous, André aperçois une fourgonnette qui venait de franchir le barrage : « venez ! » Nous montons. Les 3 km se réduisent en 2 km : notre nouveau chauffeur se gare dans un cul de sac. En 5 minutes nous avons déjà refait le monde avec les autres passagers, une dizaine en tout.

Nous reprenons la route à pieds. Arrivée à NDDL, beaucoup de monde dont un flot de piétons qui partent tout droit. Nous prenons le cortège en marche. Au bout d'un petit km nous faisons une pause casse croûte : il est déjà 13h, nous pique-niquons dans une entrée de maison avec le couple propriétaire des lieux qui regarde passer la manif. Témoignage : « ils sont partis à l'heure, dès 11h. Et depuis deux heures ça n'a pas arrêté ! » Les tracteurs sont là, censés fermer le cortège mais derrière eux il y encore beaucoup de monde.

Nous reprenons la marche en tentant de remonter un peu le flot, histoire de marcher un peu plus vite, c'est lent !, de voir de nouveaux visages, de croiser de nouvelles ambiances. Du genre un groupe de percussion. Des sourires sur tous les visages. Que du bonheur.

Je me disais : « c'est comme si depuis le Larzac, les gens s'étaient à nouveau retrouvés, 35 ans après, et se disaient intérieurement : « comme c'est chouette de se retrouver là ! », même si personnellement je n'étais pas au Larzac : trop petit.

Une ambiance de fraternité sans retenue, sans angoisse aucune.

Premier croisement, beaucoup de slogans sur les murs comme sur les pancartes. « Pas besoin d'avions pour s'envoyer en l'air ! » « Détruire ce qui détruit » « Les avions volent... la terre ! » Toujours autant de monde devant comme derrière. Une marrée humaine dans une ambiance merveilleuse.

Nous repartons. Second arrêt à La Vache Rit. Groupe de musique, sédentaire et électrique. Nous ne nous attardons pas.

Nous repartons. Nous commençons à croiser des gens sur le retour. C'est encore loin ? Ho oui ! Je dépasse un groupe de personnes attroupé sur ma gauche, j'y reconnais cette femme vue sur Internet, occupante de la ZAD, qui gueulait contre les CRS en leur disant leurs quatre vérités. C'est un groupe d'occupants. Leur énergie n'est pas du tout la même que celle des manifestants : je ressens une forte détermination, pas de joie, et une force, une force de caractère qui se lit sur leur silhouette, sur leurs visages. C'est sans doute ce qui m'aura le plus marqué cette journée. J'ai l'impression que le nombre de manifestants n'aura pas supprimé cette amertume qui habite les occupants, en contradiction avec ce que l'on peut ressentir sur leurs sites Internet. Comme si ce qu'ils ressentaient était du genre : « vous êtes là, nombreux, très nomnreux, vous vous êtes offert un samedi au vert, vous allez vous donner une bonne conscience, vous êtes venus les mains vides la plupart du temps et demain vous serez rentrés chez vous et nous nous serons là, avec les CRS et les tractopelles à nouveau sur le dos et vous serez repartis à vos petites occupations, dans vos petits boulots pour gagner vos petits salaires. » Ou alors leur joie est intense mais ils ne l'expriment pas, aucun signe de bonheur sur leur visage. Il sont en lutte. C'est impressionnant. Nous, les manifestants, nous sommes sur notre planète de bisounours à côté d'eux.

Troisième arrêt. Le cortège se poursuit sur la droite, le flux des retours est aussi important que celui des aller. Nous regardons l'heure : 3 heures que nous marchons, si nous voulons être à la voiture avant la nuit il faut repartir maintenant. En empruntant une autre voie sur notre gauche, une route goudronnée, où il y a moins de monde et où nous pourrons marcher plus vite et plus librement.

Nous passons devant un terrain en friche sur notre droite, comme une terre agricole fraîchement labourée ; un petit tas de pierres, surmonté d'un écriteau : « ci gît une maison ». Je l'avais vu sur Internet. Il ne reste rien, les CRS et leurs bulls ont tout emporté. Un peu plus loin sur la gauche nous passons devant un lieu manifestement habité par les occupants, caravanes, potagers, maisons en dur, beaucoup de véhicules. Je tente de mesurer leur quotidien, avec le spectre de la maison rasée croisée cinq minutes avant. Nous ne pouvons pas nous rendre compte. L'absence de découragement de leur part, avec l'hiver qui arrive, leurs fourgons en bout de course, leurs situations plus que précaires, leur détermination dans leurs regards, ce mélange est impressionnant. Je les repère toujours, tout de suite. Du moins j'en ai l'impression.

Nous gagnons la D 16, prenons à gauche, la route toute droite me semble interminable, et nous nous retrouvons au lieu dit où cette inscription est bien lisible sur le mur en pierres locales : « VINCITATION A LA REVOLTE  » La fatigue nous gagne, nous estimons avoir fait entre 1/3 et la moitié du retour, une pause restauration et nous repartons. Je suis partagé entre le bonheur d'être présent à ce nouveau Larzac, la beauté du bocage et les douleurs aux jambes qui apparaissent.

Arrivés à NDDL, nous enchaînons directement en direction de la voiture. Pas cinq minutes que nous marchons que nous entendons derrière nous : « un retour en fourgon, ça vous dit ? » Le même conducteur qu'à l'aller ! La cerise sur le gâteau. Il nous a déposés à l'herbage. Merci mec, avec tes piercings, ton crâne rasé, ta casquette, ton maquillage, ton pantalon treilli, ta bonne humeur et ton sourire, tu étais comme un ange pour moi.

Retour à Evreux, route de nuit, pluie et brouillard, comme à l'aller : arrivés vers 23h. 680Km de bagnole et 6 heures de marche.

La radio annonce : entre 13 000 et 40 000 manifestans.


Nous y étions, nous y serons à nouveau !


http://www.youtube.com/watch?v=VgfVyRVAinQ&feature=youtu.be


http://www.passerelleco.info/article.php?id_article=1704


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commentaires

J
vous auriez pu y aller en avion, puisqu il y a deja un aeroport a nantes. ca vous aurait gagne du temps.
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