Etre rassurés. En plus d’être reconnus : voir « Comment se faire des amis » publié en 1936, dernière réedition 1990. Etre rassurés est notre raison d'être. Après avoir mangé, dormi, avoir chaud et être en bonne santé.
Il y a deux manières d’être rassurés sur notre avenir proche aujourd’hui :
la première, la plus fréquente et de loin, c’est découter des radios, de regarder des chaînes de télévision financées par la publicité.
La seconde est de préparer un monde vivable en connaissance de cause !
Ces deux chemins sont antinomiques. Incompatibles. Car les médias commerciaux ne nous informent pas sur ce sujet précis, celui de l’effondrement du système post extractiviste en cours.
C’est ce même mécanisme assurément qui rend illisible la revue La Décroissance à bien des gens. Pourtant quelle lucidité ! Mais être rassurés, désinformés, et condamnés à être détruits par un système mortifère que nous laissons s’emballer, est préférable à la lucidité pour la majorité des habitants de ce monde post orwellien.
Tout ce que j’écris, tout ce qui se lit dans des revues telles que La décroissance ne sert finalement pour l’instant qu’à annoncer l’inutilité de nos avertissements face à l’énorme machine médiatique publicitaire qui rassure pour vendre ses publicités.
Qui peut lire des articles tels que celui de Pierre Thiesset dans le numéro de juin 2014 en pages 3 et 4, hormis si l’on y a été habitué depuis plusieurs années ? Car ça doit être un sacré choc de lire un tel papier sans y avoir été préparé, en sortant directement de TF3 ou de Radio propagande d’Etat (Radio France) !
L’image du ying et du yang en double goutte d’eau imbriquée reflète bien cette réalité :
- d’un côté ceux qui veulent être rassurés en se baignant dans les médias optimistes qui nous désinforment en passant d’une bonne humeur enthousiaste à la pub puis aux informations partielles et déresponsabilisantes, la petite tâche de noir au milieu de la goutte blanche signifiant notre désarroi face au désatre non annoncé qui arrive ;
- de l’autre côté ceux qui voient les choses en face, telles qu’elles sont, plutôt noires, mais qui leur permet d’entrevoir un espace de clarté et de préparer un avenir convivial, vivable, décroché du monde économique qui s’effondre.
Même Philippe Bihouix, dans « L’âge des low tech », publié en 2014, a beau faire mine de montrer le chemin : il reste rassurant sur la lenteur de l’effondrement du système ! Si ses propositions sont souvent pertinentes, encore qu’il fait une croix sur les Villes et territoires en transition en une demi page sans même faire figurer le Manuel de transition dans sa bibliographie, hallucinant !, il passe à côté de l’urgence du problème à résoudre. Le principe de précaution passe à la trappe, préférant être rassurant... et inconscient. Car sans urgence tout le monde attend la fin du monde.
Et pendant ce temps-là comme disait l’autre dans le bêtisier du bachot, les continents dérivent, peinards. Avec ce genre de constat, on peut clairement établir que la dérive des cons tinue !
Ecouter en boucle des radios commerciales avec leurs animateurs toujours pleins d’enthousiasme niais nous anesthésie, nous conditionne comme dans 1984, nous rend sourds, aveugles, peureux et cons. Je suis bien placé pour le savoir : lorsque j’écoute ce genre de radio, deux ou trois fois par an dans le bus qui m’emmène à Rouen, je suis atterré. Même en voiture je ne peux plus. Alors que lire la Décroissance après avoir lu Hopkins me rend non seulement lucide mais plus courageux : «le monde s’effondre, retroussons nos manches pour planter des ceintures vivrières, pour organiser des filières locales et artisanales afin de fabriquer nous-mêmes nos vêtements et nos maisons, répondons par l’affirmative à Jean Giono qui exhortait les paysans à rester en dehors de l’économie marchande, seule manière de résister au système qui se mondialisait déjà rapidement en 1938 ! » 1938, date de publication de sa Lettre aux paysans, rééditée en mai 2013 aux éditions Heros-Limite – lien : http://www.heros-limite.com/?s=giono.
Aujourd’hui les cartes sont redistribuées puisque quitter cette folie économique n’est plus un choix, une option, mais s’avère inéluctable, voir en autres Jérôme Baschet : Adieux au capitalisme évoqué plus haut.
Ce n’est qu’une question de temps croyez-vous ? Non : c’est une question de préparation, d’anticipation. Moins nous préparons le ré-enchantement du monde tel qu’il existait autrefois et tel qu’il existe encore au Bouthan par exemple, et plus nous nous retrouverons face au désastre annoncé.
Nous ne pouvons pas empêcher l’effondrement du capitalisme, mais nous pouvons éviter le désastre d’un monde laissé exsangue, en commençant dès aujourd’hui à lui rendre vie.